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ALERTE

Encadrement des loyers : le bricolage continue

Maître Alain COHEN-BOULAKIA Avocat associé

Le dispositif instauré par la loi ALUR avait été malmené par les tribunaux.
La loi ELAN du 23 novembre 2018 n°2018-1021 a « remis en route » une législation portant sur l'encadrement, pour une période expérimentale de 8 ans.

Dans les zones tendues, la collectivité locale compétente peut demander qu'un dispositif d'encadrement des loyers soit instauré.

Un décret (ministériel) détermine le périmètre du territoire de la collectivité demandeuse sur lequel s'applique le dispositif.

4 conditions doivent être réunies, cumulativement :

- Un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social
- Un niveau de loyer médian élevé,
- Un taux de logements commencés, rapporté aux logements existants sur les 5 dernières années, faible,
- Des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l'habitat et de faibles perspectives d'évolution de celles-ci

Après parution du décret, le préfet, dans le département concerné, fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable par catégorie de logement et par secteur géographique.

Quelques collectivités locales ont sollicité la parution de décret et il s'en est suivi des arrêtés préfectoraux : PARIS, LILLE, PLAINE COMMUNE, LYON, VILLEURBANNE, EST ENSEMBLE, MONTPELLIER, BORDEAUX.

De nombreux recours ont été formés à l'encontre des arrêtés préfectoraux et des décrets.

Le conseil d'état a rejeté le recours qui avait été formé contre le décret n°2019-315 du 12 avril 2019 ayant déterminé le périmètre du territoire de la ville de PARIS sur lequel est mis en place le dispositif.

Les arrêtés préfectoraux de 2019, 2020 et 2021 avaient également fait l'objet de recours devant le Tribunal Administratif de PARIS, notamment à la requête de l'UNPI.

Le Tribunal Administratif de PARIS par jugement du 8 juillet 2022 a rejeté le recours formé contre l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le Préfet de la région d'ILE DE FRANCE, Préfet de PARIS avait fixé les loyers de référence du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 ; il en a été de même en ce qui concerne l'arrêté du 7 juin 2021 pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.
Par contre le Tribunal Administratif de PARIS a annulé l'arrêté du 28 mai 2019 qui fixait les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de PARIS pour la période du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020.

A l'heure où sont écrites ces lignes, ces décisions ne présentent pas un caractère définitif.

Il convient de noter les raisons pour lesquelles l'arrêté portant sur la période 2019/2020 a fait l'objet d'une annulation.

Dans sa décision du 8 juillet 2022 le Tribunal Administratif de PARIS précise qu'il est soutenu que les catégories de logement et les secteurs géographiques visés par l'arrêté attaqué n'ont pas été déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constaté par l'OLAP. Le Tribunal poursuit :

« Les pièces produites par le Préfet, et notamment le bilan réalisé par l'OLAP pour les années 2015 à 2017, les notes de l'OLAP portant sur le précédent dispositif d'encadrement des loyers ainsi que ses rapports des mois de juillet 2017 et 2018 relatif à l'évolution des loyers dans l'agglomération parisienne, zone plus étendue que le zone plus étendue que le seul territoire de la commune de Paris ne comprennent pas d'analyse de la structuration du marché locatif sur le territoire de la commune de Paris après l'année 2017 qui permettrait de déterminer de façon suffisamment précise les catégories de logement et les secteurs géographiques pour y fixer le loyer de référence. En outre, le rapport de l'OLAP sur l'évolution en 2018 des loyers d'habitation du secteur locatif privé dans l'agglomération parisienne a été publié en juillet 2019, soit postérieurement à la date de l'arrêté attaqué »

Autrement dit, le Tribunal Administratif de PARIS a sanctionné un « bricolage ».

De nombreux recours ont été formés contre les arrêté préfectoraux, localement.

Il en est ainsi par exemple d'un recours qui a été formé par l'UNPI et la CHAMBRE DEPARTEMENTALE FNAIM DE L'HERAULT, contre l'arrêté préfectoral mettant en oeuvre l'encadrement des loyers sur la ville de MONTPELLIER.

Ces recours ne présentent pas un caractère suspensif.

Par contre, le jugement rendu par le Tribunal Administratif de PARIS le 8 juillet 2022, annulant l'arrêté préfectoral du 28 mai 2019 est exécutoire, même en cas d'appel. Ce qui signifie, concrètement, qu'à l'heure actuelle et « rétroactivement » il n'existe pas de dispositif d'encadrement des loyers à PARIS, avant le 1er juillet 2020. Alors que les choses ne sont pas simples, et que l'on est en présence d'une législation malmenée par les tribunaux, le législateur est venu compléter la loi ELAN, en ce qui concerne le « complément de loyer ».

Rappelons que l'article 140 B de la loi ELAN précise :

« Un complément de loyer peut être appliqué au loyer de base tel que fixé au a du présent 3 pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique »

Le texte précise également :

« Le montant du complément de loyer et les caractéristiques du logement le justifiant sont mentionnés au contrat de bail »

L'article 13 de la loi n°2022-1158 du 16 août 2022 est venu indiquer ce qu'il convenait d'entendre par « complément de loyer ».

« Aucun complément de loyer ne peut être appliqué lorsque le logement présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : des sanitaires sur le palier, des signes d'humidité sur certains murs, un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G au sens de l'article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation, des fenêtres laissant anormalement passer l'air hors grille de ventilation, un vis-à-vis à moins de dix mètres, des infiltrations ou des inondations provenant de l'extérieur du logement, des problèmes d'évacuation d'eau au cours des trois derniers mois, une installation électrique dégradée ou une mauvaise exposition de la pièce principale. »

Certains critères sont « objectifs » (par exemple le niveau de performance énergétique) ; on peut regretter que d'autres critères au contraire laissent place aux interprétations et à l'arbitraire. par exemple :

- « Mauvaise exposition de la pièce principale » : une notion très vague ; une orientation nord/sud de la pièce principale, alors que le coin salon est au nord et que le coin salle à manger est au sud près d'une cuisine exposée également au sud avec ouverture sur une terrasse est-elle bonne ou mauvaise ? Fallait-il prévoir au contraire le coin salon donnant sur la terrasse ?
- « Installation électrique dégradée » : au regard d'un diagnostic comment va-t-on qualifier une installation électrique dégradée ?
- « Fenêtre laissant anormalement passer l'air hors grille de ventilation » : le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 concernant les logements décents précise qu'est « indécent » un logement qui n'est pas protégé pour les « infiltrations d'air parasites » la notion de « fenêtre laissant passer anormalement l'air hors grille de ventilation » est-elle identique ?

Seule consolation, le recours du locataire est « enfermé » dans des délais relativement brefs.

Notons également que le Préfet ne peut pas mettre en demeure un bailleur d'annuler un complément de loyer, alors qu'il peut mettre en demeure un bailleur de respecter le dispositif, en ce qui concerne la fixation du loyer de base ; dès lors il ne peut prononcer d'amende à l'encontre du bailleur, pour ce qui est du complément de loyer. C'est du moins ce qui ressort d'une lecture de l'article 140 VII de la loi ELAN.

En effet le locataire qui souhaite contester un complément de loyer dispose uniquement d'un délai de 3 mois à compter de la signature du bail (et non à compter de l'entrée dans les lieux) pour saisir la commission départementale de conciliation. Il est certain que cette saisine préalable de la commission départementale de conciliation est nécessaire et qu'il est impossible pour le locataire de directement saisir les tribunaux.

En l'absence de conciliation, le locataire disposera d'un délai de 3 mois à compter de la réception de l'avis de la commission départementale de conciliation pour saisir le juge d'une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer.

Le loyer résultant du document de conciliation ou de la décision de justice s'appliquera à compter de la prise d'effet du bail.

Aussi passé le délai de 3 mois à compter de la signature du bail, en l'absence de saisine de la commission départementale de conciliation, il se produira en quelque sorte un effet de « purge ». L'action du locataire deviendra irrecevable.

Toujours est-il qu'on ne peut s'empêcher de penser que le parc locatif français mériterait. un meilleur sort.

SVA / S.C.P. D'AVOCATS

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Maître Alain COHEN-BOULAKIA Avocat associé

Photo | Maître Alain COHEN-BOULAKIA Avocat associé

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