N°85
Mars/Avril 2022
TRIBUNE

Quel avenir pour l'action publique en matière de politique du logement ?

PLANIFICATION, UNION, AMÉLIORATION

Triste réalité : le quinquennat qui s'achève marquera l'histoire par l'absence de vraie réforme, ouvrant ainsi la voie aux prochaines crises systémiques de notre secteur d'activité.

La question mérite d'être posée : comment l'immobilier, moteur de l'économie française, premier poste de dépense de nos concitoyens, source essentielle de recettes fiscales pour l'Etat et les collectivités locales, peut-il à ce point souffrir du manque de stratégie et de planification dans notre pays ? La puissance Publique, le monde HLM, les Syndicats professionnels, seraient-ils à ce point incapables de dessiner et mettre en oeuvre une politique, digne de ce nom ?

Le constat est pourtant accablant : la pénurie de logements disponibles et l'envolée des prix, couplée à la dynamique de la demande, sont le terreau des prochaines crises sociales. Ce qui n'empêche pas le législateur de projeter l'exclusion de 2,5 millions de logements classés E, F, ou G, de l'offre locative. Dans le même temps, les stocks de logements disponibles à la vente sont toujours plus bas, compte tenu de la faiblesse endémique du nombre de constructions neuves.

Le point de vue exprimé du chef de l'Etat, sur son aversion à la pierre n'explique pas tout. Car nul n'ignore, à ce niveau de responsabilité, le caractère stratégique de ce pan de notre économie.

C'est d'abord la multiplication des lois, tel un mille-feuille d'entraves, qui vient réduire l'offre : l'interdiction de louer les logements énergivores, les 384 zones soumises au permis de louer, l'encadrement de loyers qui prolifère, font basculer les bailleurs par milliers vers la location touristique ; le tout dans les zones les plus tendues, c'est à dire celles en pénurie de logements disponibles.
De l'autre côté de l'étau, le resserrement des conditions d'octroi de crédit, l'envolée des taxes foncières et des obligations des travaux de rénovation dans les copropriétés réduisent le nombre de ménages susceptibles d'accéder à la propriété. Et que dire des initiatives locales, visant par exemple à interdire la location des résidences secondaires ? Un bien triste concours Lépine de l'invention réglementaire, qu'aucune autre nation ne nous envie.

La faiblesse politique d'un ministère du logement de second plan, explique en partie l'intrusion des finances et de l'écologie, pour ne citer qu'eux, dans cette funeste fuite en avant. Si, dans une prochaine mandature, nous appelons à un sursaut politique autour de la création d'un grand ministère d'Etat consacré à l'immobilier, les représentants de la profession doivent aussi se réformer, et sortir d'un schéma d'influence dépassé.

D'abord, nos syndicats doivent s'unir sur le plan politique, pour ne parler que d'une seule voix. Compte tenu de la dispersion actuelle, l'Etat reste sourd à la capacité des professionnels, au travers de la richesse de leur maillage territorial, de leur montée en compétence et de leur engagement social, à devenir le bras armé de son action.
Au lieu d'oeuvrer à construire une stratégie de délégation de service public et de co-régulation, en partenariat avec les agents immobiliers, celui-ci profite de toutes les occasions pour déréguler et ouvrir la porte aux plateformes, et autres « nouveaux modèles ». Ici, la libéralisation des honoraires de transaction, là, le décret encourageant le syndicat coopératif dans les copropriétés, ailleurs, la défiscalisation renforcée par la gestion locative confiée aux AIVS (Agence Immobilière à Vocation Sociale). Et demain, le démantèlement du droit social dans le secteur des services immobiliers. En matière de défiance, on peut difficilement imaginer mieux.

En second lieu, l'action publique des syndicats doit se moderniser, pour sortir d'une logique de dialogue en mode « one to one » entre le ministre et les présidents de syndicat, qui se traduit la plupart du temps, par l'acceptation du fait accompli.

La loi 3DS instaure une déconcentration et une décentralisation de la décision au niveau local, et c'est à ce niveau que les syndicats doivent peser. Enfin, c'est du côté des professionnels que doit naître la réflexion, la prospective et l'intelligence qui doit nourrir le débat public autour de la politique du logement.

Dans un monde où les micros sont ouverts à tous vents, où chacun s'improvise expert, ou les feuilles de choux se rêvent évangiles, il est temps de créer les conditions d'un débat apaisé et pragmatique sur les besoins et les aspirations de notre société en matière de logement. Seuls les syndicats, riches de leur maillage territorial, de leur capacité à réunir à la fois les consommateurs, les politiques et les professionnels, pourront organiser le dialogue nécessaire à l'émergence d'une doctrine utile à tous, et moteur d'une politique de développement immobilier, dont la France a tant besoin.

Si les organisations représentatives veulent véritablement peser, elles doivent s'unir et se moderniser, pour porter efficacement la voix d'une profession qui ne demande qu'à participer à l'amélioration des conditions de logement de nos concitoyens.

Rédaction | François Moerlen - agent immobilier, administrateur de biens, syndic de copropriété Photo | DR
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Expression #85

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