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TRIBUNE / A L'AFFICHE

Syndicat coopératif : une bombe à retardement qu'il faut désamorcer de toute urgence

Décidément, le bon sens a du plomb dans l'aile. Après 55 ans de bons et loyaux services, était-il nécessaire de détricoter la loi du 10 juillet 1965, qui jusque-là, avait parfaitement rempli son office, au profit d'une gestion collaborative, qui plonge des milliers de copropriétés dans l'inconnue ?

Au moment où les immeubles se divisaient, et où les villes se verticalisaient, le législateur français avait réalisé un travail remarquable. Au travers d'un texte de loi précis, et bien écrit, il avait réussi à façonner une alternative solide au modèle anglo-saxon du condominium. En instituant le principe de partie privative et de partie commune, il permettait à chaque copropriétaire d'acquérir la pleine propriété d'une part de l'immeuble, tout en attribuant à chaque lot une quote-part indivise des parties communes. En comparaison, le modèle anglo-saxon limitait le droit de propriété de chacun à l'acquisition de parts de l'ensemble bâti, octroyant uniquement un droit d'usage d'une partie de l'immeuble. Cette révolution juridique reposait sur la gestion de la copropriété organisée autour du Syndic, du Conseil Syndical, et du Syndicat des copropriétaires. Qu'il eût été bénévole ou professionnel, le Syndic endossait la charge et la responsabilité du respect du règlement de copropriété, sous le contrôle du Conseil Syndical, et d'une Assemblée Générale qui avait le pouvoir de le reconduire, ou de le remplacer. En soumettant le choix d'une gestion collaborative directe du Conseil Syndical à un vote à l'unanimité, et en obligeant une modification du règlement de Copropriété, le législateur avait délibérément et à juste titre, écarté ce mode de gestion.

En effet, il crée un déséquilibre, en permettant la main mise sur l'ensemble des décisions de gestion, d'une partie des copropriétaires, au dépend de ceux qui ne sont pas membres du Conseil Syndical. Le choix du coopératif sous-entend que l'intérêt général est partagé par tous, alors que dans la réalité, les intérêts particuliers sont souvent contradictoires. Mais l'ordonnance du 30 octobre 2019 fait le pari inverse, puisque non seulement elle ramène cette décision à la majorité de l'article 25, mais de surcroit, elle supprime l'obligation de modification du règlement de copropriété.

Au moment où l'état se mobilise sur la rénovation énergétique, l'habitat indigne, et la restauration des centres villes, voici que l'on favorise l'auto-gestion des copropriétés de France, sans aucune limite de taille, de temps, et sans contrôle financier et technique. Qu'adviendra-t-il des immeubles dont les membres du Conseil Syndical auront vendu leur bien ?

Qu'adviendra-t-il de la valeur des logements situés dans des immeubles mal gérés, non isolés, ou dont les comptes ne seront pas tenus dans les règles ?

Qu'adviendra-t-il en cas de carence d'un membre du Conseil Syndical, dans l'incapacité de délivrer un état daté au moment de la vente ? A ces questions, nul n'est capable de répondre, car l'ordonnance n'apporte aucune précision, aucune limite, ni aucun contrôle. Si l'on veut éviter les dérives, il est nécessaire de limiter son champ d'application aux copropriétés de moins de 10 lots. Ensuite, il doit être considéré que les règles utiles au contrôle d'une gestion professionnelle, doivent également s'appliquer à l'auto-gestion : il convient donc d'instituer un audit comptable et technique annuel, effectué par un professionnel qualifié, titulaire de la carte S.

Enfin, il faut d'une part, limiter la durée des fonctions de chaque membre du Conseil Syndical à deux mandats de trois ans non renouvelables, et d'autre part, imposer l'inscription à l'ordre du jour, du maintien, ou non, du statut coopératif, avec obligation de soumettre tous les trois ans, la proposition d'un syndic professionnel au vote de l'Assemblée Générale.

Avec plus de 3000 copropriétés ayant basculé dans l'auto-gestion en une seule année, le mouvement pourrait représenter 10% du parc français dans 10 ans. Si l'état veut réellement faire appliquer ses programmes de politique publique, il ne peut que s'appuyer sur l'action des Syndics de Copropriété professionnels, sur lesquels il peut exercer un contrôle permanent. La perspective de voir basculer une grande partie des 500 000 copropriétés de France dans la gestion collaborative, fait peser un risque considérable sur la préservation du patrimoine immobilier des Français. L'ordonnance du 30 octobre 2019 doit être révisée, afin d'encadrer cette pratique hasardeuse, pour la sécurité de copropriétaires aveuglés par les arguments marketing des plateformes, dont la spéculation financière est l'essentielle raison d'être.

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#Copropriété

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