Mars/avril 2021
Décroissance immobilière
Un Président de la République, un gouvernement peuvent-ils à ce point se tromper ? Tout cela n'est-il pas intentionnel et ne relève-t-il pas d'une politique calculée au sommet de l'État ? Car enfin, les chiffres de la construction de logements sont tellement désespérants qu'on attendrait un plan d'urgence. Il ne vient pas.
Qui plus est, ils résultent d'une dégradation ininterrompue depuis le début du quinquennat, amorcée bien avant la pandémie et indépendante d'elle, tout au plus aggravée par la crise sanitaire et ses embarras : tous les indicateurs ont viré au rouge les uns après les autres, des demandes d'autorisation de construire aux livraisons en passant par la délivrance des permis et les mises en chantier. La chaîne est grippée de bout en bout. Le pays aura produit 376.000 logements en 2020 et les prévisions les plus optimistes en annoncent 320.000 pour 2021, les plus sombres, comme celles des Gracques -think tank de personnalités de gauche-, qui n'imaginent pas de performance au-delà de 300.000 unités : la chronologie de la production permet en effet d'anticiper avec une fiabilité importante ce qui sortira de terre une année avant, sinon deux ou trois, et cette visibilité conduit à de sombres perspectives.
Un terrain qui n'est pas acheté aujourd'hui, pour lequel un promoteur ne sollicite pas de permis auprès d'une commune, c'est un logement qui ne sera pas fabriqué trois ou quatre ans après ni acquis par un ménage. On sait ainsi à ausculter le patient aujourd'hui la gravité de son état à moyen terme. Il faut rappeler que la France a besoin pour renouveler son parc en compensant l'obsolescence technique et répondre aux besoins sociologiques de sa population au bas mot de 450.000 logements nouveaux par an. On a longtemps avancé le cap de 500.000, que des experts, le président de Nexity notamment, premier promoteur du pays, ont cru plus juste de réduire de 10%. Bien sûr, l'enveloppe comprend à la fois les immeubles collectifs privés, les maisons individuelles, et les logements HLM. Derrière la baisse de 15% en 2020 par rapport à 2019, qui constitue une moyenne et nous place 20% en-dessous des objectifs convenus, chacun des trois segments a souffert dans des proportions différentes, la maison payant un tribut un peu moindre que les deux autres. Il reste qu'on manque de tout, et cruellement de logements sociaux, au coeur de la plus terrible crise de notre histoire depuis la guerre. Vers quoi le gouvernement, dans ce contexte terrible, porte-t-il son regard et à quoi consacre-t-il ses efforts ? À deux objectifs, la rénovation énergétique tous azimuts et la résorption de la vacance. Il ne saurait être question de nier la pertinence de ces actions, mais la hiérarchie n'est-elle pas faussée ? Où sont les mesures pour relancer la production toutes affaires cessantes ? On ne les voit pas. La conscience de la pathologie semble là, des discours incantatoires sont prononcés, conjurant par exemple les maires à signer les permis de construire, assignant aux organismes HLM un objectif de 250.000 logements neufs en deux ans... là où le pays a peiné ces trois derniers exercices à en construire 80.000 chaque année !
Dans les faits, au-delà des intentions affichées, la France est en décroissance immobilière. Les écologistes sont-ils responsables, avec l'arrêt de l'artificialisation des sols en particulier ? Les élus locaux, malthusiens, le sont-ils ? La rareté et la cherté du foncier disponible sont-elles à incriminer ? Les normes peut-être ? Les réductions budgétaires successives ? Peu importe les causes, elles sont multiples et il faut les soigner toutes. Or, en traite-t-on une seule efficacement ? À moins qu'on ne veuille cette décroissance, qu'Emmanuel Macron ait programmé ce ralentissement insidieux de la machine à construire, estimant que le parc, actualisé, modernisé, suffise. Que seul donner du travail compte, et que les Français se débrouilleront toujours pour trouver un toit. Non, c'est impossible. On ne peut croire cela. Parce qu'un pays qui ne pourvoit pas à la réalisation des projets des familles quant au logement n'est pas gouvernable. Et qu'un pays qui n'assure pas à la filière immobilière les conditions de sa vigueur le paie le prix fort en termes économiques, en emplois détruits et en richesse abîmée. D'ailleurs, la France serait-elle encline à réélire un Président qui n'aurait pas réussi sa politique du logement ?
Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, président du think tank « République et logement »
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