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POINT DE VUE

Hausse des prix dans les villes moyennes : une heureuse nouvelle

Les derniers résultats de l'indice des prix de l'immobilier (IPI) fruit d'un partenariat entre Meilleursagents, site d'estimation et d'intermédiation entre particuliers et professionnels de la transaction, et le quotidien économique Les Échos, viennent de révéler une hausse marquée du prix des logements dans les villes moyennes.

On n'était pas habitués à cette situation, et on se faisait même à l'idée de l'inverse : les valeurs dans les cinquante villes suivant la capitale et les dix plus grandes villes de France stagnaient depuis des années ou baissaient selon les cas. Voilà que la courbe s'infléchit sans aucune contestation possible, en moyenne certes mais surtout dans la quasi totalité de ces villes. La présentation qui en a été faite par plusieurs commentateurs a utilisé le mot de « contagion », témoignant que la nouvelle n'est las accueillie comme heureuse.

Erreur d'appréciation manifeste. Naguère ou jadis, au cours des vingt années qui précèdent, on a tenu pour heureux que des territoires urbains affichent des prix bas tandis que les grandes villes et au-delà les métropoles dont certaines de ces villes constituent le centre névralgique augmentaient, avec des vitesses de progression à deux chiffres ou presque, soit deux, trois, quatre ou cinq fois plus vite que l'inflation et les revenus des ménages. Tout se passait comme si l'on devait se réjouir qu'à côté de malades graves on puisse identifier des bien portants. C'était se tromper de diagnostic. Oui, il y a désormais une pathologie lourde de Paris et des autres grandes villes, dans lesquelles se loger devient impossible pour les cadres et les professions libérales qui y travaillent. Non, la solution ne sera pas trouvée au sein de ces territoires et de leurs marchés respectifs. C'est dans l'aménagement de la France que réside l'espoir de guérison...et d'évidence le traitement commence à faire de l'effet.

Il est urgent que le clivage, le hiatus entre des villes bénéficiant de tous les atouts et des villes à faible attractivité, pour ne pas dire sans attractivité, s'estompe. Les maires des communes concernées et leurs équipes oeuvrent à ce résultat parce qu'ils ne se résolvent pas au délaissement. Orléans, Dijon, Chambéry, Albi, Pau, Saint-Étienne sont de bons exemples parmi beaucoup d'autres de combats menés avec intelligence, détermination et succès, et l'on voit bien que la question est indépendante de la sensibilité politique des édiles. On a pu lire que le niveau à l'étiage des taux d'intérêt était la cause dominante du regain des familles pour l'accession dans ces villes : pourquoi ne jouaient-ils pas jusqu'à présent, alors qu'ils étaient déjà très incitatifs ? Pourquoi ne jouent-ils toujours pas en zone rurale ? La cause est à rechercher du côté du réveil économique et culturel de ces communes et nulle part ailleurs. En fait, contrairement à ce que la doxa a cru, si les hausses inconsidérées sont un cancer pour les villes où elles se produisent, le phénomène inverse est également de nature pathologique : est-il normal que des villes de 50000, 80000, 100000 habitants, points d'équilibre de leur territoire, présentent des prix au mètre carré de 1000€ ou 1500€ en coeur de ville, avec un taux de progression quasi nul ? Leur patrimoine est en général vieillissant et le rapport entre le coût des travaux et le prix de vente théorique est tellement mauvais que les propriétaires n'engagent pas les efforts de modernisation nécessaires à leurs logements. Sans parler de l'espoir de plus-value, nul ou insignifiant, qui donne à la population locale un sentiment d'appauvrissement, qui ne la conduit pas à consommer : le fameux effet patrimoine joue là dans le mauvais sens. Il est clair aussi que les investisseurs, nonobstant des prix d'entrée bas, ne sont pas au rendez-vous : les loyers sont faibles et le rendement locatif ne présente par conséquent pas d'intérêt suffisant, avec même un risque de vacance majoré.

Par rapport à l'indice base 100 ancré au 1er janvier 2008, les villes moyennes atteignent au 1er juin 2019 l'indice 102,6, après être descendu à 95 il y a encore cinq ans, pour un indice 116,9 des dix première villes hors Paris...et 149,7 de la capitale. Le mouvement n'en est qu'à ses débuts et il doit se confirmer. Parce qu'en plus de démontrer la transfiguration des villes moyennes, dont on souriait parce qu'on les trouvait attendrissantes à force d'être reposantes et sans activité, le phénomène va détourner au fil des ans une partie de la demande des grandes villes vers elles. Il est impératif qu'une proportion toujours croissante des ménages aient envie d'aller vivre ailleurs que dans les grandes villes, par conviction qu'ils vivront bien dans telle ville moyenne sur laquelle ils jetteront leur dévolu, pour eux et pour leurs enfants. Ces deux axes d'aménagement du territoire sont les voies de salut de notre pays pour soigner la fracture territoriale d'une part, le dérèglement des marchés de notre capitale nationale et de plusieurs de nos capitales régionales d'autre part.

Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, président du think tank « République et logement » - 06 16 02 68 45

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#Fracture des territoires

#Rééquilibrage

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