N°67
Mars/Avril 2019

Taxer la plus-value de cession des résidences principales : une bien mauvaise idée présidentielle

MOTS CLES : Plus-value,imposition,patrimoine

Henry Buzy Cazaux, Président de l'institut du management des services immobiliers Henry Buzy Cazaux, Président de l'institut du management des services immobiliers

Quand d'autres peuvent parler sans conséquences et alimenter la réflexion au café du commerce, les mots d'un Président de la République ont un poids différent, fussent-ils prononcés dans le cadre d'un débat ouvert.

En réponse à la proposition d'un intervenant lors de l'une de ces séances d'échange qu'Emmanuel Macron multiplie dans le cadre du Grand débat, le Chef de l'État n'a pas exclu d'instaurer une taxation des plus values de cession des résidences principales. Ce serait une première dans l'histoire erratique de la fiscalité immobilière, où le meilleur a côtoyé le pire.. sans aller jusqu'à ce degré de méconnaissance de la situation des ménages français.

À ce jour, sont imposées seulement les plus-values de cession des logements locatifs et des résidences secondaires, d'ailleurs à un taux très élevé, qui avait été placé à ce niveau par le dernier gouvernement du quinquennat du Président Sarkozy. Entre la première année de détention et la dixième, il faut abandonner entre un tiers et un cinquième de la plus-value à l'État. Et il faut conserver le bien trente ans avant de la revendre pour être totalement exonéré d'imposition. On voit mal comment, pour le cas où la résidence principale serait prise dans la nasse de la fiscalisation des plus-values, l'équation serait différente. À supposer même que le taux soit faible au début, l'expérience démontre que les gouvernements successifs les feraient grimper jusqu'à l'insupportable... Pour autant, la question du taux est seconde et ce qui prime est le principe même de l'imposition.

Le ménage qui a fait l'effort, au demeurant en suivant toutes les prescriptions des pouvoirs publics depuis quarante ans, d'acquérir sa résidence principale, n'a pas volé la plus-value qui enchérit éventuellement son logement. Il a eu recours à un crédit, dont le coût n'est digeste que si la plus-value en cas de revente est suffisante. On connait la situation des accédants à la propriété qui sont contraints de procéder à une revente rapide après acquisition, essentiellement pour cause de séparation du couple: en deux, trois ou cinq ans, la plus-value n'a pu être suffisante pour effacer les intérêts d'emprunt remboursés en plus du capital -majeurs pendant les premiers exercices de l'amortissement- ni les droits de mutation à titre onéreux, qui flirtent avec les 9% dans notre pays. En somme, sans plus-value, que l'impôt n'est pas venu réduire, pas d'opération saine.

S'agissant des cessions dans des délais de conservation normaux, entre la septième et la quinzième année en général, elles ont pour origine des événements de la vie qui motivent un réemploi pour acheter le plus souvent une pièce de plus parce que la famille s'est agrandie, ou encore pour une meilleure localisation, plus près du lieu de travail par exemple. L'évolution des prix, qui a été de 50%, voire beaucoup plus dans les villes les plus attractives, ne saurait être absorbée par les augmentations des revenus des ménages. La plus-value est le seul levier puissant pour faire fonctionner l'ascenseur social et permettre l'évolution des familles et des individus.

Le Président Macron a semblé ignorer cette logique, consubstantielle de la République: celui qui accepte un taux d'effort qui va le conduire à la propriété, par définition supérieur à celui d'un locataire, qui prend le risque de traverser des moments difficiles pour gagner son autonomie patrimoniale, celui-là ne doit pas voir son engagement ruiné par l'impôt. Emmanuel Macron est malheureusement allé plus loin: illustrant son propos par la situation de Bordeaux, dont le prix de l'immobilier a explosé sous l'effet de l'ouverture de la ligne de TGV reliant la ville à la capitale, a considéré que les bénéficiaires n'avait absolument pris aucune part à ce résultat économique heureux. Faux ! En acquittant la taxe foncière, en payant l'impôt sur le revenu, ils auront favorisé les progrès urbanistiques et d'infrastructures à l'origine de la plus-value. Ils auront aussi entretenu leur bien, l'auront rénové pour que sa valeur soit majorée.

Les classes moyennes, le plus éprouvées par le durcissement des conditions économiques depuis vingt ans, ne supporteront pas cette taxation de plus. Ils auront un profond sentiment d'injustice. Les conséquences mécaniques seront immédiates: une baisse de l'ordre de 15 à 20% du nombre des achats de résidences principales dans l'existant en France, qui en a compté 800000 en 2018, et sans doute aussi dans le neuf, également porté, fût-ce dans une moindre mesure, par le légitime espoir de plus-value à long terme. À la clé, de moindres rentrées fiscales pour les collectivités locales en droits de mutation à titre onéreux et en TVA pour l'État. Il faut aussi s'attendre à des licenciements dans la filière: la moitié du chiffre d'affaires des entreprises en bâtiment est assis sur l'entretien et la rénovation. Une bien mauvaise idée présidentielle en somme, à enterrer d'urgence.

Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, président du think tank « République et logement » - 06 16 02 68 45

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