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POINT DE VUE

Une exigence majorée pour les professionnels

C'est une disposition discrètement introduite dans ce qui n'est pas encore la loi ELAN (pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique), sur proposition d'organisations professionnelles représentatives des agents immobiliers et des administrateurs de biens, la FNAIM en tête : à compter du jour où la loi entrera en vigueur, différé de quelques semaines à cause de la saisine du Conseil constitutionnel, les professionnels de la transaction et de la gestion seront dépositaires d'un titre protégé

Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce un vrai progrès ? Pourquoi le syndicat majeur de la transaction, qui rassemble également des gestionnaires locatifs et des syndics en grand nombre, a-t-il voulu cette disposition, alors que les activités des agents immobiliers et des administrateurs de biens sont déjà règlementées depuis 1970 ?

à l'origine de cette mesure, la volonté de la FNAIM de clarifier une situation confuse aux yeux du public selon elle : les professionnels qui répondent aux exigences de la loi du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet du nom du député qui l'a inspirée, sont titulaires d'une carte délivrée par la Chambre de commerce et d'industrie du département d'établissement - sur des critères d'aptitude, d'assurance en responsabilité professionnelle, de garantie financière pour protéger les sommes détenues et de moralité attestée par la virginité du casier judiciaire- par différence avec les agents commerciaux, travailleurs indépendants qui exercent pour le compte d'un titulaire. À ceux-là, il n'est pas imposé de répondre aux mêmes critères. Cette seconde fonction, dont la spécificité n'est que rarement identifiée par le public, existe depuis longtemps, mais elle s'est développée depuis quelque dix ans avec une grande vigueur, à la faveur de la création de réseaux régionaux et nationaux. Il s'agit en quelque sorte de franchises, qui offrent aux négociateurs des outils de nature à faciliter leur mission et à les doter d'atouts pour réussir, à commencer par une marque et des moyens de publicité puissants.

Ces professionnels font le même métier que les agents immobiliers et les administrateurs en matière de transaction : ils vendent et ils louent. En revanche, ils ne sont pas habilités à rédiger les actes sous seing privé, que sont les baux, les promesses ou les compromis, et ils ne peuvent pas non plus encaisser de fonds pour le compte de tiers, dépôts de garantie, loyers d'avance ou indemnités d'immobilisation d'un bien réservé par un acquéreur. Il reste que ce sont des acteurs à part entière au service des ménages. Ils n'ont pas d'agence en propre et peuvent intervenir mandatés par plusieurs agents immobiliers. La FNAIM a voulu que le public voie la différence entre ceux qui détiennent une carte professionnelle et ceux qui sont seulement titulaires d'une habilitation donnée par un titulaire de carte officielle.

Une conséquence de la protection des titres d'agent immobilier et d'administrateur de biens tient aussi à la possibilité de faire sanctionner plus durement l'exercice illégal : oui, il existe encore de faux professionnels, ni porteurs de la carte ni travaillant sous couvert d'un titulaire, des imposteurs en somme. Se prévaloir d'un titre protégé est un délit pénal, plus grave par conséquent que le non-respect des critères d'exercice fixés par la loi.

Tout cela est bel et bien. Passé le moment de la satisfaction des agents immobiliers et des gestionnaires de se trouver en quelque sorte réhabilités et porteurs d'une dignité égale à celle des professions ordinales, avocats, notaires, huissiers ou médecins, il est nécessaire d'estimer le sens profond de cette reconnaissance par le législateur. Les initiateurs de cette protection ont sans nul doute une haute idée des professionnels pour qui ils l'ont demandée au gouvernement et au parlement. Tous ceux qui de droit désormais vont pouvoir revendiquer ces titres ont-ils conscience de la responsabilité qu'ils leur confèrent ?

Ils ne sauraient plus se soustraire à l'avenir à trois obligations nobles, qu'ils négligent encore souvent : la transparence, la valeur ajoutée et la déontologie. Est-il encore admissible qu'une partie de la profession enfreigne la règlementation relative à l'affichage des informations sur les honoraires ou sur les biens ? Est-il inéluctable que certains encore malmènent les obligations que le législateur a inscrites dans la loi en 2014, par exemple sur le plafonnement des honoraires ou le compte séparé des copropriétés ? Est-il normal que moins d'un professionnel sur cinq rédige les avant-contrats et que les autres délèguent aux notaires ou aux avocats cette tâche partie intégrante de leur mission ? Est-il acceptable que des professionnels manquent de confraternité, par exemple en se rendant coupables de dumping ? Trois territoires sur lesquels la respectabilité des agents immobiliers et des administrateurs de biens ne doit plus être prise en défaut. Qu'aucun dans ces professions ne comprenne la protection du titre comme une absolution, mais au contraire comme une exigence supérieure d'être à la hauteur des enjeux et des attentes des ménages.

Ces deux corps professionnels, celui des agents immobiliers et celui des administrateurs de biens, manquent d'homogénéité. Les standards de compétence et de qualité ne s'y sont pas encore assez imposés, au grand dam des syndicats, qui ne ménagent pas leur peine pour améliorer la situation. À leur décharge, ils n'ont barre que sur la moitié des entreprises, les autres n'étant pas dans leurs rangs. Ces titres protégés peuvent transfigurer les professions de service au logement pour peu que leurs membres en comprennent le sens : il appartient aux pouvoirs publics et aux fédérations de faire preuve de didactique. Sans cela, ce que les professionnels vivent comme une victoire sera une cruelle désillusion.

Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, président du think tank « République et logement » - 06 16 02 68 45

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