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POINT DE VUE

Marché du logement : l'élan cassé

Sans conteste tout a souri à l'audacieux Emmanuel Macron, de l'élection à la relance de la croissance en passant par le moral des ménages...et la victoire des Bleus en Coupe du monde de football. La rentrée est marquée par une inflexion de cette courbe de la chance. Si certains événements ressortissent à la vie politique et à ses turpitudes, avec son lot de croche-pieds ou de déconvenues, d'autres phénomènes sont le fruit de choix mal assurés. Au rang de ceux-là, la stratégie pour le logement.

Cette politique est marquée par plusieurs caractéristiques. Elle a d'abord la vertu d'être réformiste et porteuse d'espoir de progrès. Pas de tabou sur les aides, ni sur les principes de l'urbanisme, ni sur le fonctionnement des acteurs les plus institutionnels, ni sur la fiscalité applicable. Elle est ensuite résolue et brutale : les HLM en ont fait l'expérience, mais aussi les collectivités locales et au bout du compte les ménages propriétaires d'immobilier, que le discours présidentiel lui-même a stigmatisés : des rentiers, en mesure de réduire leurs loyers à due proportion des baisses d'allocations versées aux locataires décidée par l'état. Quant aux locataires puisqu'on en parle, ce n'était pas 5 euros de moins qui allaient altérer leur train de vie...

Enfin, cette politique manque de clarté. D'un côté la volonté d'affaler la voile des aides, ce que la première loi de finances du quinquennat a fait, avec un prêt à taux zéro et un dispositif Pinel affaiblis, un crédit d'impôt pour la transition énergétique rogné, et des aides personnelles supprimées pour l'accession et de moindre puissance pour la location, en outre indexées sur les revenus de l'exercice, et plus sur les revenus de l'année n-2 - si la réforme du prélèvement à la source voit le jour -, ce qui par les temps qui courent pourraient bien pénaliser bien des ménages. De l'autre un énorme cadeau fiscal avec la suppression de la taxe d'habitation pour tous les ménages, quels que soient leurs revenus, après le projet que les 20% plus aisés ne soient pas visés. Parlons de cette heureuse nouvelle: le financement de ce beau geste fiscal n'est absolument pas assuré, et au cours des six derniers mois toutes les hypothèses ont été formulées, y compris sur la base d'un rapport commandé à deux personnalités expertes des collectivités locales. Oui, il ne faut las oublier de souligner que la manne de la taxe menacée de mort allaient aux communes et qu'il s'agit pour l'état de resolvabiliser les Français avec l'argent à ce jour destiné à d'autres...

Ce point est peut-être la plus lourde hypothèque pesant sur l'exécutif : 23 milliards à trouver. Et encore... On ne sait pas trop. Le ministre démissionnaire Hulot a lâché il y a une semaine le chiffre de 30 milliards, après des simulations fantaisistes en début de mandat présidentiel de 8, puis 10. puis 15 milliards. La question ne relève pas de la technique budgétaire et les familles le sentent bien : l'argent va devoir être trouvé et à l'arrivée le risque de l'alourdissement d'un impôt ou de plusieurs impôts existants semble avéré. La taxe foncière ou les droits de mutation sont dans le collimateur, entre autres.

Enfin, dans ce qui restera sans doute comme le grand texte de loi pour le logement du Président Macron, le projet de loi ELAN, les meilleures dispositions, en particulier pour moderniser l'urbanisme et lever les freins qui gênent la construction, côtoient des dispositions discutables pour le moins, qui à l'inverse limitent la liberté des acteurs. Pourquoi par exemple une habilitation pour les sociétés informatiques qui digitalisent les baux d'habitation ? Pourquoi une centralisation étatique des données contenues dans ces contrats privés? Pourquoi un conseil nationale de la transaction et de la gestion en retrait par rapport à la version d'origine de la loi ALUR ou de la loi égalité et citoyenneté ? On pourrait multiplier les constats de chocs thermiques entre ce qui est souhaitable et ce qui ne l'est pas. En arrière-plan, le sentiment des organisations professionnelles comme des associations de n'être pas écoutées.

Sans compter l'essentiel, qu'on passe à tort sous silence lorsqu'on traite de logement : l'ambiance générale au-delà de la politique sectorielle. En un semestre, les Français sont passés de l'euphorie, de l'espoir en tout cas, conséquence du renouvellement profond de leur personnel politique, à l'abattement. Même la victoire en Coupe du Monde de football n'a pas corrigé cette pente. Les perspectives de croissance et d'inflation sont revues par l'INSEE, comme la vitesse de réduction du chômage et nul n'ignore qu'on ne s'endette pas pour 20 ou 25 ans, accédant à la propriété ou investisseur, qu'on n'engage pas des dizaines de milliers d'euros de dépenses dans la rénovation de son logement, si l'on n'a pas confiance dans l'avenir collectif et dans son propre avenir

Alors il reste à appeler de nos voeux plusieurs progrès. Que ceux qui nous gouvernent soient plus attentifs aux avis des corps intermédiaires, que le secteur du logement ne soit plus regardé avec des a priori et qu'on fasse confiance aux acteurs. Et que gouvernement et parlement fondent dans l'immobilier l'espoir de la relance de l'économie nationale et de l'optimisme social.

Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, président du think tank « République et logement » - 06 16 02 68 45

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