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POINT DE VUE

Sursaut de fierté

Une « Association nationale des gestionnaires de copropriété » vient de voir le jour. Quel est son objet, à côté des organisations professionnelles de syndics telles que la FNAIM ou l'UNIS ? Sans doute les dirigeants de ces institution s'interrogent-ils d'ailleurs. La réponse est intéressante et ce sont les initiateurs qui l'expriment clairement : il ne s'agit pas de concurrencer les syndicats établis. Il est seulement question de donner aux gestionnaires de terrain, les petits, les sans-grade, les obscurs, un porte-voix pour faire valoir leur rôle au profit des copropriétés.

La volonté de cette poignée de salariés est honorable, loin des revendications et des plaintes. Aucune gérémiade parce qu'ils s'estimeraient mal payés, qu'ils voudraient une amélioration de leur condition de collaborateur. Non, leur message s'adresse au grand public plus qu'aux dirigeants des cabinets dans lesquels ils travaillent. Ils veulent de la considération, ils veulent que les Français comprennent la mission qu'ils accomplissent. Ils en ont assez d'être stigmatisés. Plus précisément, ils considèrent que les critiques incessantes à l'encontre des syndics sont par trop politiques et systémiques : dans la vraie vie, ce sont ces femmes et ces hommes qui sont dans le chaudron des copropriétés, avec des compétences, des idéaux et une énergie inextinguible, et eux n'en tireront qu'un salaire. Il faut entendre qu'ils ne se battent pas avec l'arrière-pensée que lorsqu'ils en auront assez des attaques et des expressions de mésestime, lorsqu'ils en auront assez que leur valeur ajoutée soit méconnue, ils n'auront pas la faculté de céder l'entreprise et de prendre en quelque sorte les derniers dividendes.

Intéressante, cette démarche, empreinte de fierté. La fierté est un beau sentiment. Pas l'orgueil, pas les rodomontades, juste le goût d'un métier de service utile entre tous, une fonction sociale majeure qui consiste à favoriser une décision collective chaque fois que c'est possible, à réduire les différences, à concilier les inconciliables, pour le bénéfice de tous parce que le patrimoine commun est d'abord celui de chacun.

Quelles actions mènent-ils ? Ils expliquent inlassablement ce qu'ils font, leur quotidien, partout où cela peut être utile, dans les écoles spécialisées, devant des décideurs publics. Dans le même temps, ils rassurent comme ils peuvent les syndicaux patronaux qui ont pu légitimement se demander si des arrière-pensées les animaient. Oui, les écoles, parlons-en. Elles échouent à convaincre les jeunes qui choisissent l'immobilier de s'orienter vers le métier de gestionnaire de copropriété. Pourquoi ? Parce que deux discours se téléscopent : les discours de promotion de cette profession et les discours de lobbying, qui ont souvent été contre, pour défendre, pour résister, pour sauver tel fonctionnement, telle disposition. On se rappelle les combats pour que vive le compte unique des cabinets ou la faculté de proposer des contrats sur-mesure et d'échapper au contrat-type. L'influence publique est une chose et elle mène souvent à des jeux défensifs. L'illustration d'un métier en est une autre, assortie de discours sans abattement, positifs, allants.

Tant que les premiers couvriront de leur bruit les seconds, les jeunes retiendront que cette profession est pleine de servitudes et ressortit au sacerdoce. Il faut à l'inverse qu'ils perçoivent qu'elle a du sens, qu'elle est noble, passionnante. Travailler tard ? L'organisation tardive des assemblées générales et des conseils syndicaux est-elle une fatalité ? Quand ne cèdera-t-on plus à l'habitude et à la dictature des copropriétaires, qui ne veulent pas une fois par an -pour eux, deux-cent fois pour un gestionnaire- prendre une demie journée pour s'occuper de leur immeuble ? Gérer l'agressivité ? Combien de temps permettra-t-on à certains de tenir la copropriété comme un lieu exutoire des amertumes contractées ailleurs ? Combien de temps l'absentéisme ne sera-t-il pas sanctionné ? Pour le coup, il se pourrait que la loi ELAN en construction apporte des solutions à ce problème.

Celles et ceux qui ont créé cette association sont pour la plupart jeunes et tous en tout cas sont enthousiastes et frais. Pour rien au monde ils ne feraient un autre métier. Ils le montrent sous un jour séduisant et souriant. Ce sursaut collectif de fierté est un remède efficace à deux mots : l'assèchement des talents, qui finit par coûter cher aux copropriétaires tant la rareté fait monter les salaires - eh oui : chaque fois qu'on maltraite un gestionnaire, on fait courir à ses charges le risque de l'augmentation ! -, et le mal-être de milliers de gestionnaires qui en envie d'être aimés. Là encore, le désamour fait des dégâts au détriment des copropriétaires: un professionnel heureux est plus productif et engagé qu'un professionnel malheureux. Du bon sens, tout cela. On ne le faisait pas assez prévaloir. La France d'en-bas des gestionnaires nous le rappelle. Écoutons-la.

Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, président du think tank « République et logement » - 06 16 02 68 45

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