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FISCALITÉ

De la neutralité de l'application de la loi fiscaleà la taxation d'un profit fictif

Une interprétation stricte de l'arrêt Lupa dévoie la jurisprudence Quémener.

UNE NEUTRALITÉ D'ORIGINE PRÉTORIENNE

Depuis un arrêt Quémener (CE 16 février 2000, n°133296), la plus-value procédant de la cession ou de la dissolution d'une société de personnes non soumise à l'impôt sur les sociétés fait l'objet d'un mécanisme de correction. Ainsi, pour déterminer le prix de revient fiscal des parts sociales, leur prix d'acquisition est majoré (i) des bénéfices précédemment imposés au nom de l'associé et (ii) des pertes antérieures comblées par celui-ci et minoré (i) des déficits qu'il a déduits et (ii) des bénéfices ayant donné lieu à une répartition à son profit.

Cet ajustement arithmétique a pour objet d'assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale, compte tenu de la translucidité fiscale.

Une grande incertitude est néanmoins venue entourer cette recherche de neutralité fiscale, le Conseil d'Etat estimant que le mécanisme de correction du prix d'acquisition des parts ne visait qu'à éviter une double imposition juridique de la société confondante (CE 6 juillet 2016, n°377904, Lupa). Ainsi, il n'y a pas lieu de majorer le prix de revient des titres annulés à concurrence de la plus-value réalisée par la société de personnes à l'occasion de sa dissolution.

LE DÉBUT DE LA FIN POUR QUÉMENER ?

En l'espèce, une société décide de la dissolution sans liquidation d'une SCI détenant un ensemble immobilier. Une réévaluation libre préalable de son actif donne naissance à une plus-value au niveau de la SCI, compensée par la moins-value d'annulation des titres pour un même montant en application de la jurisprudence Quémener.

Dans une décision hautement critiquable (CAA Paris, 17 mai 2017, n°16PA01892, Société Fra SCI), le juge de l'impôt donne raison à l'administration, en faisant une stricte application de la jurisprudence Lupa. En effet, elle nie à la société la faculté de déterminer le montant de plus ou moins-value d'annulation des titres de la SCI en majorant la valeur des titres à concurrence de l'écart de réévaluation au motif que ce dernier a déjà été pris en compte dans le prix d'acquisition.

En outre, le bénéfice du rescrit RES n°2007/54 repris au BOFIP est refusé au contribuable qui s'en prévalait, au motif que son application ne serait pas expressément prévue en l'absence de double imposition de l'associé de la SCI dissoute.

S'il s'inscrit dans un contexte franco-luxembourgeois particulier, le présent arrêt conduit malgré tout à imposer la plus-value de réévaluation, et donc un enrichissement fictif. Le Conseil d'Etat ayant décidé de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité formée par la société Lupa pour méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, les arguments à opposer à cette interprétation du mécanisme Quémener commencent à manquer (CE 28 juillet 2017, n° 411269). Il nous semble néanmoins que la Cour administrative d'appel ne saurait balayer si rapidement le rescrit de 2007 et priver de toute portée la garantie contre les changements de doctrine offerte par l'article L 80 A du LPF. Dans l'attente d'une décision du Conseil d'Etat, cette insécurité fiscale, préjudiciable à nombre d'acteurs du marché immobilier, impose de porter une grande attention à la structuration des opérations de cession et à la mise en oeuvre des solutions alternatives.

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