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ALERTE

La nullité relative du mandat incomplet

Le mandat incomplet ou erroné, régi par la loi Hoguet, n'est plus sanctionné par une nullité absolue mais par une nullité relative

La Cour de cassation, par un arrêt du 24 février 2017, a opéré un revirement de jurisprudence important en jugeant que le mandat par lequel l'agent immobilier est mandaté par un mandant est, s'il ne respecte pas les dispositions de l'article 7 de la loi du 2 janvier 1970 (dite loi Hoguet), sanctionné par une nullité relative.

En l'occurrence, un locataire à qui un congé pour vendre avait été délivré par un agent immobilier mandaté par le bailleur, avait contesté la validité du mandat pour remettre en cause le congé. En effet si l'agent s'était dûment vu confier un mandat d'administration et de gestion du bien, le mandat de vendre et de donner congé avait été donné par le propriétaire par une simple lettre qui de prime abord ne respectait pas les prescriptions formelles de la loi Hoguet.

Jusqu'à présent, la sanction du non-respect des dispositions impératives posées par la loi Hoguet imposant un formalisme précis était la nullité absolue du mandat. Cette nullité absolue autorisait donc toute personne qui y avait un intérêt à invoquer la nullité du mandat même si cette personne n'était pas une partie contractante au mandat (comme ici en l'occurrence le locataire). La nullité absolue crée des effets radicaux dans la mesure où elle entraîne alors l'anéantissement des actes réalisés en exécution de ce mandat. La Cour de cassation refusait ainsi de faire jouer la théorie du mandat apparent au profit des tiers de bonne foi qui voulaient quand même bénéficier des actes conclus avec eux par l'agent irrégulièrement mandaté.

L'analyse des intérêts en présence

Dans son arrêt du 24 février 2017, la chambre mixte de la Cour de cassation a examiné les intérêts en présence : l'intérêt du locataire, celui du mandataire et celui du propriétaire-mandant.

S'agissant de l'intérêt de l'agent immobilier, la loi Hamon puis la loi Macron ont institué de nouveaux mécanismes de régulation de la profession d'agent immobilier qui selon la chambre mixte doivent conduire à considérer que l'ordre public de direction est suffisamment protégé par ces lois et n'a pas à être assuré par les parties au procès. S'agissant du propriétaire-mandant, le formalisme imposé par la loi Hoguet vise principalement à le protéger d'éventuels abus commis par des agents immobiliers. Le formalisme imposé par la loi Hoguet devrait donc, selon la Cour, lui bénéficier et ce faisant, l'éventuelle nullité devrait également viser à assurer cette protection. Enfin, s'agissant du locataire, la Cour de cassation relève que la loi de 1989 assure déjà une protection particulière au locataire, notamment au titre des motifs devant être mentionnés sur le congé, du droit de préemption et du préavis.

la nouvelle définition de la nullité

Outre cette approche des intérêts en cause, cet arrêt est remarquable en ce que les juges ont fait référence à la réforme récente du droit des obligations (ordonnance du 10 février 2016) en invoquant l'article 1179 nouveau du Code civil et ce, alors que cet article n'était pas applicable au mandat en cause puisque conclu avant le 10 février 2016. Selon cet article, la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général et la nullité est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé.

Confrontant cette définition légale des nullités absolue et relative à l'équilibre des intérêts en jeu (mandant, agent et locataire), la Cour conclut que le non-respect du formalisme imposé par la loi Hoguet doit être sanctionné par une nullité relative et non une nullité absolue car l'objectif de la loi Hoguet est, en l'occurrence, de protéger uniquement le mandant (ici le propriétaire) dans ses rapports avec le mandataire (l'agent immobilier). Il s'agit bien ici de protéger un intérêt privé et non l'intérêt général.

Les conséquences pratiques

Les conséquences de ce nouveau régime de nullité sont importantes. En l'occurrence le locataire, tiers au contrat de mandat, n'est pas recevable à invoquer la nullité de ce mandat. Le bailleur pourra soit soulever la nullité du mandat conclu avec un agent immobilier, soit au contraire, confirmer ce mandat en renonçant à invoquer la nullité afin de la couvrir. Enfin et surtout, le corollaire de cette nullité relative limitée à la protection des intérêts du mandant, devrait conduire les juridictions à appliquer la théorie du mandat apparent afin d'éviter l'anéantissement d'actes conclus avec des tiers de bonne foi en exécution de ce mandat irrégulier.

Cet arrêt a donc le mérite de réconcilier bon sens, morale et sécurité juridique.

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