Mai/Juin 2013
JEAN-FRANÇOIS BUET,
« IL FAUT INTRODUIRE UN BAIL SOLIDAIRE ET ENCOURAGER L'ANCIEN »
Morosité ambiante, mesures d'urgence prônées par le gouvernement, réforme de la loi Hoguet, rôle décisif d'Internet...
Jean-François Buet, président de la FNAIM, fait le point sur les dossiers chauds de l'immobilier.
En janvier, vous tiriez la sonnette d'alarme à la suite de la dégradation du marché immobilier en 2012 et de ses répercussions sur la profession. La situation a-t-elle évolué depuis ?
L'an dernier, à la suite d'une baisse du volume des ventes, nous avons eu à déplorer la fermeture de 3 000 agences ou bureaux secondaires sur l'ensemble du pays, ce qui a généré près de 10 000 pertes d'emploi. Depuis le début de l'année, nous sommes sur la même tendance, même si tout ceci doit être nuancé. La situation semble, en effet, s'être un peu calmée en mars, mais elle était identique à 2012 en janvier et février. Durant ces deux mois, le nombre de créations d'agences est resté inférieur à celui des fermetures.
N'est-ce pas paradoxal d'embaucher en pleine période de crise ?
Non. Le marché finira bien par redémarrer, donc certaines agences se disent qu'il leur faudra être prêtes. A un moment, lorsque les affaires allaient bien, l'immobilier a été vu comme un eldorado par des commerciaux qui ont décidé de s'y consacrer. Maintenant que les choses sont plus difficiles, ces gens ont préféré repartir vers leurs activités d'origine. Pour être efficace, une agence ne peut pas passer de sept ou huit commerciaux à deux ou trois par exemple. Les recrutements sont donc nécessaires. Il faut noter qu'ils se font sur des profils plus pointus.
Outre des connaissances et un goût pour l'immobilier, les personnes recherchées doivent, notamment, être dotées d'une vraie résistance à l'échec et avoir une bonne culture générale.
Comment envisagez-vous le reste de l'année ?
Nous n'avons encore qu'une vision réduite de la situation, car traditionnellement la bonne saison de l'immobilier ne débute qu'au printemps. Tout laisse néanmoins penser que le premier semestre ne sera pas bon. En revanche, selon certains indicateurs, avec de la chance, les choses s'inverseront ensuite. Au second semestre, la situation pourrait se stabiliser, mais à un niveau bas.
Le Président François Hollande a présenté, en mars, un « Plan d'investissement pour le logement ». Etes-vous satisfait de cette batterie de vingt mesures ?
On ne peut pas être insatisfait de ce qui a été présenté. Certaines choses semblent pragmatiques comme, par exemple, la réduction des délais de procédure de construction des immeubles, ou encore la volonté de lutter contre les recours abusifs devant le tribunal administratif et de réduire les délais de traitement des contentieux.
Le gouvernement dit aussi qu'il veut augmenter le nombre de logements intermédiaires. C'est bien, mais en même temps il n'a pas encore vraiment défini ce qu'est un logement intermédiaire. En résumé, ce plan contient des choses plus ou moins intéressantes, mais ce ne sont que de petites mesures.
Il faut donc aller plus loin, mais comment ?
Aujourd'hui, quand on parle de logements intermédiaires et sociaux, on ne pense qu'au neuf. Il faut aussi penser au logement ancien. Le gouvernement souhaite la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 à vocation sociale. Cette année, vu le rythme de la construction, on ne devrait en bâtir globalement que 200 000. Nous sommes loin de l'objectif. Nous sommes dans l'urgence, donc la solution du neuf ne peut répondre seule à la demande. Si l'on continue à exclure l'ancien, nous allons passer à côté du rendez-vous.
La FNAIM milite depuis un moment pour un bail solidaire, c'est-à-dire un allégement fiscal pour les bailleurs louant, à un prix modéré, un bien ancien à des personnes aux revenus modestes. Ce dispositif seraitil, aujourd'hui, une solution ?
Oui, nous revenons à cette idée ancienne du bail solidaire, car nous pensons qu'il peut apporter une vraie solution au problème actuel du logement. Mais pour cela, il faut encore le définir, le dimensionner, savoir par exemple à quel niveau de loyer il sera le plus pertinent. Il faut également faire en sorte de l'adapter à des solutions locales, car les besoins et les problèmes ne sont pas les mêmes d'une région à l'autre.
Parallèlement, nous sommes aussi pour un encouragement à la rénovation, car rénover un bien ancien est plus rapide et moins cher que d'en construire un. Cela permet aussi une plus grande mixité et, enfin, si sa destination est sociale, ce bien doit pouvoir être intégré dans le calcul des logements sociaux des communes.
A la suite de la présentation de son « Plan d'investissement pour le logement », vous avez demandé à être reçu par François Hollande. Avez-vous obtenu un entretien ?
Tout à fait, j'ai obtenu un rendez-vous, non pas avec le Président, mais avec l'un de ses conseillers au logement. La date de notre rencontre est fixée à la mi-mai.
Nous allons, avec la FNAIM, lui proposer une réflexion sur la fiscalité. Aujourd'hui, celle-ci est à un niveau très élevé et contribue à geler le marché. Plus la fiscalité est lourde, moins on a de droits d'enregistrements. Nous voulons aussi revenir, avec ce conseiller, sur la question de la plus-value sur la revente des terrains à bâtir. Et pour cause, le gouvernement prévoit de supprimer, en 2014, les abattements sur les plus- values accordés jusque-là en fonction de la durée de détention du foncier. La fiscalisation se fera alors dès le premier euro de plus-value.
Une fois encore, l'alourdissement de la fiscalité va bloquer le marché. Le gouvernement argue que son idée est de créer un choc d'offre préalable, c'est-à-dire une hausse rapide des mises en vente puisque seules les opérations dont les promesses de vente ont été signées avant le 1er janvier 2014 conserveront le bénéfice du régime actuel. Mais, en réalité, ce délai est bien trop court pour que cela ait un effet.
Vous semblez également assez critique envers la ministre Cécile Duflot et ses propositions ?
Nous sommes à la fois critique et partenaire puisque, comme la FNAIM regroupe 12 000 adhérents soit plus de 100 000 collaborateurs, nous essayons, au cours des discussions, de faire entendre la voix de la profession. Notre but est de trouver un bon équilibre pour tous, c'est-à-dire les clients, l'Etat et les professionnels. Le problème est que, comme le veut la ministre Cécile Duflot, on ne peut pas à la fois encadrer les loyers, réquisitionner des biens, mettre une base obligatoire pour la Garantie universelle pour les risques locatifs et en même temps vouloir que le bailleur investisse. Même si chaque mesure peut trouver une explication, le discours ne passe plus au près du bailleur individuel.
Mettre en place la Garantie universelle des risques locatifs, dont je rappelle que la décision n'a pas encore été prise, est une bonne chose si elle prend la forme d'un système assuranciel. En revanche, si elle consiste en une taxe prélevée par l'Etat, elle va devenir un nouvel impôt et là on ne va pas du tout dans le bon sens.
Vous vous opposez également à la ministre au sujet des honoraires de location ?
Cela fait partie, en effet, et malheureusement, des sujets sur lesquels nous ne sommes pas entendus. La ministre veut limiter, voire totalement supprimer, la participation financière des locataires dans les honoraires de location, alors qu'aujourd'hui, la loi l'équilibre à 50/50. Ce serait une véritable catastrophe. Tout d'abord, si le locataire ne paie rien, il ne se sentira plus concerné, ce qui pourrait avoir des conséquences sur son comportement.
Ensuite, comme il sera impossible pour le bailleur de répercuter la quote-part du locataire, il s'agira d'une perte sèche pour l'agence immobilière. Nous allons donc au-devant de nouvelles suppressions d'emplois et ce, comme nous l'avons dit, alors que le secteur a déjà enregistré 10 000 pertes d'emplois en 2012.
Cécile Duflot devrait prendre sa décision en mai afin qu'elle soit présentée en Conseil des ministres en juin.

Cécile Duflot semble, en revanche, en accord avec vous concernant une réforme de la loi Hoguet qui encadre l'exercice des professions immobilières.
Oui, tout à fait, il semble que nous ayons été bien entendus au sujet de cette loi de 1970. Il y a une volonté de la part de Cécile Duflot de mieux encadrer la profession, de demander un niveau de formation initial supérieur puis l'obligation d'une formation continue de qualité.
Il semble aussi que le gouvernement soit intéressé par la création d'une carte S dédiée au syndic comme nous le suggérons. Actuellement, pour exercer, il faut une carte T pour les transactions ou une carte G pour faire de la gestion locative et du syndic de copropriété. Or, ces deux derniers métiers sont différents. Il serait donc légitime qu'il existe trois cartes : une T, une G et une S.
Votre volonté de voir se créer un Conseil national des professions immobilières semble aussi bien accueilli au ministère. Quelle est la différence entre un tel organisme et un Conseil de l'ordre ?
Oui, le ministère est intéressé par un tel Conseil. Essentiellement composé de professionnels, il serait en charge, notamment, des questions liées à la formation, de définir le code éthique de la profession, de surveiller la distribution de la carte professionnelle.
Sa création s'accompagnera par l'instauration d'un Conseil de discipline. Ce dernier, contrairement à un Conseil de l'ordre qui ne regroupe quasiment que des professionnels, sera lui constitué majoritairement de représentants de l'Etat, auxquels s'ajouteront seulement quelques membres de notre Conseil national. Cette répartition offrira un gain d'équité lors des prises de décision.
Vous évoquiez à l'instant la carte professionnelle dont la délivrance est, aujourd'hui, gérée par les préfectures. La FNAIM propose que cette prérogative soit attribuée aux Chambres de commerce et d'industrie. Où en est ce dossier ?
Pour être exact, c'est le ministère de l'Intérieur qui mène une réflexion sur la distribution des cartes et nous a contactés pour connaître notre opinion. Toutes les préfectures n'ont pas la même analyse de la loi Hoguet qui régit leur délivrance. Les fonctionnaires, qu'il ne faut pas blâmer car il ne s'agit pas à la base d'une de leurs compétences réelles, ont parfois des critères différents d'interprétation de la loi. A la FNAIM, nous disons donc que nous pourrions très bien trouver un autre organisme pour gérer cette question.
L'une des pistes serait de le faire par l'intermédiaire des CCI qui font déjà ce genre de distribution pour d'autres métiers. Ce dossier, qui pourrait aboutir à la fin de l'année, permettrait aussi de vérifier la validité de certaines cartes. Aujourd'hui, leur renouvellement se fait tous les dix ans. Le problème est que certains la conservent alors qu'ils ne présentent plus toutes les garanties nécessaires à sa délivrance.
Changer le système d'attribution permettrait aussi d'offrir une vraie avancée pour les consommateurs en constituant sur Internet une liste, par ville, département et région, des professionnels dotés d'une carte à jour.
Vous avez l'air très intéressé par Internet ?
En effet, il y a une évolution inéluctable de notre métier grâce aux nouvelles technologies et j'y suis favorable. En 2000, l'un de mes prédécesseurs disait déjà que ceux qui n'étaient pas sur Internet pouvaient prendre leur retraite dans les six mois. Ils sont rares, mais ceux qui ne sont pas encore connectés sont hors-sujet car les consommateurs, eux, le sont. Ils ont pris l'habitude, quand ils veulent acheter ou louer un appartement, de consulter trois ou quatre sites afin d'obtenir énormément d'infos sur les prix, les stocks, l'évolution du marché.
C'est cet attrait du public pour le Net qui vous pousse à militer pour une généralisation de la mise en ligne des plans comptables des copropriétés ?
Quand un particulier veut consulter son compte bancaire, il le fait, désormais, de chez lui via son ordinateur, grâce à un simple login et un mot de passe. On sait donc tous comme c'est facile, pratique et sûr. Pourquoi, dès lors, ne pas faire la même chose avec les plans comptables des copropriétés par le biais d'un extranet ? Cela permettrait aux copropriétaires, de pouvoir consulter à n'importe quel moment le procès-verbal de la dernière assemblée générale, le règlement intérieur, le montant des appels de fonds, des montants versés, l'avancée de travaux en cours...
Ce dispositif répondrait à 95 % de leurs questions et réglerait le problème des syndics qui ne les rappellent pas faute de temps. Mettre toutes ces infos sur un extranet ne coûte pas grand-chose, est simple, sécurisé et offre une vraie transparence. Malheureusement, le ministère ne souhaite pas rendre obligatoire ce dispositif, estimant qu'il sera plus difficile à gérer pour les petites copropriétés et les syndics bénévoles. Je ne désespère pas qu'il puisse un jour être généralisé, car, pour l'utiliser dans les copropriétés dont je suis en charge, je sais qu'il fonctionne très bien.
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