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STRATÉGIE

IMMOBILIER EN EUROPE : LES DISPARITÉS SE CREUSENT ENTRE LES MARCHÉS

La situation actuelle des marchés immobiliers européens est notablement contrastée. Il ne serait pas équivoque d'affirmer que la tendance est à l'affaiblissement en raison d'une crise persistante. Néanmoins, certains pays parviennent à se différencier et à tirer leur épingle du jeu. Tour d'horizon.

Des transactions hétérogènes

Les pays scandinaves n'ont pas grandchose à envier à leurs comparses du sud qui battent quelque peu de l'aile. Ainsi la Suède, qui s'illustre sur d'innombrables fronts ces dernières années, s'en tire-t-elle avec les honneurs. « Les transactions reprennent malgré une conjoncture compliquée et les prix sont en hausse » explique François Gagnon, Président ERA France & Europe. Le schéma est identique pour son voisin finlandais. Côté Norvège et Danemark, le chaos économique ne semble pas avoir outrepassé leurs frontières. Ils ne se sont donc pas débattus dans les mêmes tourbillons et remous que d'autres états du vieux continent. Mais « si l'on redescend maintenant vers le centre, on peut constater que la Hollande ne se porte pas au mieux. En difficulté depuis la crise, il n'y a toujours pas d'amélioration en vue pour l'immobilier et rien ne semble en annoncer une » ajoute François Gagnon.

A l'ouest, l'Allemagne et la Belgique continuent de faire figure de bonnes élèves. Leurs marchés se distinguent par leur force et leur solidité. Elles se maintiennent avec des transactions légèrement rehaussées face à l'année passée. A la différence du marché autrichien, non désastreux mais plus fragilisé. La Suisse de son côté a su bénéficier du changement de ses lois d'immigration entourant l'achat des biens. Une mesure qui a permis d'augmenter la demande et d'hisser les prix vers le haut. L'Italie pour sa part est en proie à un climat relativement préoccupant. La Bulgarie et la Roumanie flottent dans une période de stagnation avec un léger mieux dans l'exercice 2011-2012. La tendance à la baisse est plus inquiétante en Grèce, toujours prisonnière de sa période d'asphyxie. Concernant la péninsule ibérique, le Portugal s'éprouve, embourbé dans une posture délicate. « Le Portugal a mis du temps à souffrir mais aujourd'hui le marché est extrêmement tendu avec des conditions très difficiles ». L'Espagne, quant à elle, n'entrevoit aucune amélioration dans un futur proche et s'enlise chaque jour davantage dans des perspectives négatives.

En guise de conclusion, le Président ERA France & Europe dresse, sur l'Hexagone, son constat. Pas si défaitiste. « La France affiche des transactions en berne mais qui n'impactent pas la tenue des prix. Ce qui prouve bien que les Français tiennent à la pierre, qu'ils ne vendront qu'en cas de nécessité et d'obligation et ne s'épancheront ni dans des ventes de complaisance, ni dans de l'engrangement de plus-values ». Aucune surprise donc dans le fait d'apprendre que la situation immobilière européenne est fortement corrélée à la conjoncture économique des pays les plus en peine. Notamment lorsqu'ils ont adopté des politiques d'austérité qui ne les soutiennent pas dans leurs ambitions de redressement des marchés.

Tendance des prix : quand dépréciation et surestimation se confondent

En observant les prix au m2 et leur tendance dans les divers marchés européens, les disparités déjà observées sur les transactions se font plus prégnantes. Ainsi les pays de l'Europe du sud subissent-ils une nette dépréciation. En deux ans, les prix des logements dans la péninsule ibérique ont considérablement courbé l'échine : 30 % en moins du côté de l'Espagne contre une chute de 10 % pour le Portugal. La Grèce, pour sa part, avait créé la surprise en 2011 en tenant la barre. Elle n'affichait cette année là qu'une baisse maîtrisée de 6 %. L'année 2012 lui aura été fatale, les professionnels tablant sur un affaissement de l'ordre 50 %. Les pays bordant le bassin méditerranéen ne se révèlent pas les seuls impactés. Au nord, l'Irlande rencontre également des difficultés. Les prix dans la capitale s'étaient déjà effondrés de moitié avant 2006. En 2012, la tendance à la baisse perdure avec 13 % de moins. Mais il serait erroné de prétendre que la totalité des marchés flanchent. Certains pays se démarquent en démontrant des prix en raisonnable hausse. Comme l'Allemagne, l'éternelle figure de proue. Avec une augmentation modeste de 2,34 %, Berlin reste encore très accessible. Ses 3 700 €, en moyenne, au m² dévoilent un prix deux fois moins cher que ceux pratiqués dans l'immobilier londonien ou parisien.

La France était justement lourdement pointée du doigt, en avril dernier, lors de la publication d'une étude de The Economist. Le célèbre magazine britannique y dépeignait une notable surcote des prix dans l'Hexagone, estimée à + 47 %. Une surévaluation inférieure cependant aux tarifs enregistrés en Belgique, surclassés de 56 % selon le média économique. « Les tarifs sont bien au-dessus de leur juste valeur et continuent d'augmenter » indiquait l'étude. Dans le classement des prix surestimés par pays, les Pays-Bas, la Suède, l'Espagne et la Grande-Bretagne se détachaient également avec des envolements respectifs de 32 %, 29 %, 27 % et 22 %. Une étonnante surcote côté britannique dont la faiblesse s'explique avant tout par la perte de vitesse de la Livre Sterling et l'afflux d'investisseurs étrangers.

Les prévisions de Standard & Poor's pour 2013 et 2014

Selon un communiqué publié par l'agence de notation Standard & Poor's le 17 janvier dernier, les perspectives d'avenir des marchés immobiliers européens ne seraient pas si ternes. Elles se révèleraient même positives sur le long terme. D'un point de vue général, l'épuisement progressif des offres de logements conjugué à l'accroissement de la population ne pourraient qu'aboutir à un maintien des prix à la hausse selon S&P. L'agence de notation prédit d'ailleurs, pour quelques pays européens, une succession ambivalente d'une période de déflation à court terme suivie d'une phase d'inflation plus durable.
Pour le cas français, l'agence de notation entrevoit des tarifs de l'immobilier en perte de vitesse de 5 % pour les prochains mois et ce jusqu'en 2014. Un constat né d'un pouvoir d'achat en déclin, de la flambée du chômage et de la baisse des revenus. Au fil des années, la tendance devrait cependant s'inverser pour soutenir une majoration pérenne des prix. Standard & Poor's établit le même scénario prévisionniste pour les Pays-Bas, avec une estimation de baisse des prix à 6 % en 2013 et à 2 % en 2014. L'Italie de son côté, qui ne se distingue pourtant pas actuellement par sa santé immobilière, devrait bénéficier profitablement de la cristallisation de sa dette souveraine. Sans aggravation de cette dernière et face à des tarifs qui ne connaissent pas de surévaluation, aucune bulle immobilière n'est à redouter. L'agence de notation table sur une réduction des prix de 1,6 % pour 2013, suivie d'une petite majoration de 0,5 % pour 2014. Un peu plus au sud, et sans affolement du marché, les prix ont pu afficher des minorations non préoccupantes au Portugal. L'aide financière accordée par le FMI devrait initier des réformes politiques avantageuses pour l'immobilier portugais. Telles que des restructurations du marché locatif ou la transformation de la taxation sur les propriétés. Standard & Poor's prédit une baisse des prix de 1,1 % en 2013, talonnée d'une augmentation de 0,5 % en 2014. Au nord, la Grande Bretagne poursuit sa valse indolente, avec des progressions antagonistes entre ses régions, engendrant un engourdissement du marché. La régression du nord masque le développement démesuré du sud. S&P mise sur un immobilisme des transactions, entre des acheteurs inactifs et des vendeurs peu enclins à se conformer aux tarifs édictés par le marché actuel. Ainsi la stabilité des prix devrait-elle trôner dans les deux prochaines années, avec une baisse de 0,9 % en 2013 et une hausse de 0,5 % en 2014.

Côté marchés qui se révélaient en grande difficulté, le climat restera pesant en Espagne et s'améliorera en Irlande. En effet, l'Espagne conserve de son exercice 2012 entre 700 000 et 1 million de logements invendus. Soit un approvisionnement bien trop foisonnant que le pays ne sait plus comment écouler. L'agence de notation table sur un rééquilibrage de l'offre et de la demande dans un délai de 4 années minimum. En 2013, les prix devraient chuter de 7,8 % contre 6 % en 2014. Seul un renflouage des caisses des banques pourrait inverser la tendance au fléchissement. Et si l'Irlande piétinait jusqu'alors dans un climat similaire, S&P entrevoit pour elle des prévisions encourageantes. Les prix devraient enfin se maintenir en 2013 après des chutes fulgurantes de l'ordre de 9 % à 19 % par an entre 2009 et 2012. Le pays a en effet décidé de se réadapter en faisant concorder la baisse de 49 % des crédits immobiliers enregistrés à une réduction de la construction de nouveaux logements. Ainsi l'agence de notation prévoit une diminution raisonnable des prix de 0,9 % en 2013 et un maintien pour 2014.

Enfin, deux pays continuent à se démarquer par leurs marchés constamment valorisés. C'est ainsi le cas de la Belgique et de l'Allemagne. Le premier, pays nanti de l'Europe, jouit d'un ensemble de facteurs qui concourent à sa bonne santé immobilière. En effet, la Belgique affiche un taux d'endettement très faible de ses ménages, - 54,7 % de son PIB, des taux d'intérêt très bas et une offre de logements encadrée. Standard & Poor's présage pour elle une hausse constante des prix, de 1 % en 2013 et de 1,6 % pour 2014. Côté allemand, la tendance est à l'identique. D'une part, le pays a en effet maitrisé l'impulsion immobilière qu'elle avait amorcée en 1994, lorsqu'elle avait initié un système de subventions à l'achat de terrains. L'acquisition de permis de construire avait alors explosé à 700 000, pour finalement décroître au seuil raisonnable de 180 000 en 2010. D'autre part, l'agence de notation voit en l'augmentation pérenne des salaires germaniques et la mésestimation à 16 % du marché immobilier, une augmentation équilibrée des prix. De 3 % en 2013, mais également en 2014.

Les marchés financiers et l'austérité des gouvernements en ligne de mire

« C'est assez difficile d'établir des pronostics pour l'avenir. Le problème qui s'est posé dans le passé concerne tous les jeux qui se sont organisés sur les marchés financiers, entre les banquiers et la crise américaine des subprimes. Cela a eu un effet vraiment dévastateur sur l'ensemble du marché » déplore François Gagnon. Le développement avait été, en effet, vertigineux et impulsé dans les bonnes années de l'immobilier, entre 2006 et 2008, mais résultait d'une croissance infondée car spéculée. « On ne pourra pas atteindre à nouveau les résultats de ces années fastes. Car il y aujourd'hui plus de contrôles, de gardefous, les gouvernements sont plus vigilants, plus protectionnistes » explique le Président ERA France & Europe. Les excès dont se plaignaient les professionnels du secteur s'en retrouveront donc limités mais ne seront pas aplanis pour autant. François Gagnon précise sa pensée en s'appuyant sur le cas du Portugal. En effet, avec la crise et le ralentissement économique, de nombreux abus ont été dénotés en matière de prêts. De nombreux habitants ont perdu leur patrimoine immobilier, saisi par les banques pour non paiement des échéances de leurs crédits. Aujourd'hui les établissements bancaires détiennent un portefeuille de biens considérable. « Les banques ont besoin de renflouer leurs caisses. Que font-elles ? Elles refusent d'accorder de nouveaux prêts aux acheteurs potentiels qui ont trouvé, par leurs propres moyens, des logements qui les intéressent. Les banques intiment ensuite à ces acquéreurs potentiels qu'elles seront prêtes à faire un geste s'ils détournent leur attention sur leurs propres portefeuilles immobiliers ». Un abus de notoriété publique qui provoque la grogne et la déception des professionnels, mais largement soutenus par les gouvernements qui se positionnent en faveur d'une relance de l'économie. « Ce genre de mesures draconiennes sont mises en place un peu partout et de différentes façons à travers l'Europe. Il est du coup très difficile de savoir de quoi sera fait l'avenir de l'immobilier entre des dispositifs d'Etats instaurés de façon improvisée et les aléas des jeux sur les marchés financiers ».

Si les marchés ne brillent pas actuellement par leur puissance et leur solidité, tout porte à croire que la situation devrait finir par se débloquer et s'améliorer dans les deux ou trois prochaines années, si aucune incidence ne vient la contrecarrer. Grâce à des applications pragmatiques et des décisions stratégiques qui n'entravent pas le rayonnement des marchés, l'immobilier européen devrait peu à peu renouer avec sa superbe d'antan.

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