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ALERTE

L'agent immobilier est-il responsable à l'égard du locataire ?

Lors de la négociation d'un contrat de gestion, l'agent immobilier peut être considéré comme responsable par le bailleur en cas de négligence ou de mauvais conseil.

De quoi parle-t-on ?

L'agent immobilier qui s'est vu confier un mandat de gestion pour la location d'un appartement est susceptible de voir sa responsabilité engagée à l'égard de son mandant (1), en raison d'une mauvaise exécution de son contrat de gestion et plus exceptionnellement à l'égard du locataire(2), s'il a commis une faute caractérisée résultant de son ignorance, de sa négligence ou du non respect de son devoir de conseil.

La question

DANS QUELLE MESURE ET SOUS QUELLES CONDITIONS UN AGENT IMMOBILIER, EN CHARGE DE LA GESTION D'UN BIEN LOUÉ, PEUT-IL VOIR SA RESPONSABILITÉ ENGAGÉE À L'ÉGARD DU LOCATAIRE AVEC LEQUEL IL N'EST PAS CONTRACTUELLEMENT LIÉ ?

La réponse

L'agent immobilier qui se voit confier par le propriétaire d'un bien un mandat de gestion locative doit exécuter sa mission avec diligence et compétence et doit remplir son devoir de conseil vis-à-vis- de son mandant.

Au titre de ce mandat, l'agent immobilier exécute des actes d'administration usuels et des actes conservatoires, visant notamment à percevoir des fonds tels que le dépôt de garantie. L'agent immobilier peut bien évidemment voir sa responsabilité contractuelle engagée par son cocontractant, le propriétaire, s'il n'exécute pas son mandat avec diligence et professionnalisme et s'il ne se conforme pas aux engagements précis qu'il a pu contracter formellement dans le mandat. L'agent immobilier a donc tout intérêt dans le respect de la réglementation en vigueur à définir clairement les obligations respectives du mandant et du mandataire et leur limite respective.

Le bailleur a donc une double relation contractuelle, d'une part avec le mandataire qui le représente dans le cadre du mandat de gestion, d'autre part avec son locataire dans le cadre du contrat de bail. Le bailleur est ainsi responsable vis-à-vis du locataire sur le fondement du contrat de bail, chaque partie devant se conformer à ses obligations découlant soit de la loi, soit du contrat de bail lui-même.

Bien que l'agent immobilier ne soit que le représentant du bailleur à l'égard du locataire et ne soit pas contractuellement lié à ce dernier, il peut voir sa responsabilité engagée à l'égard du locataire.

Sa responsabilité peut, en effet, être reconnue sur un fondement quasidélictuel (extra- contractuel) si une faute caractérisée commise par lui a causé un préjudice au locataire. Il est admis par la jurisprudence que la mauvaise exécution d'un contrat par l'une des parties peut causer un préjudice à un tiers qui peut alors en solliciter réparation sur un fondement extra-contractuel.

En d'autres termes, la mauvaise exécution du contrat de mandat par l'agent immobilier, par exemple l'absence de suivi ou de contrôle de travaux de rénovation d'un appartement par un agent immobilier, peut non seulement constituer une faute contractuelle à l'égard du mandant-propriétaire, mais également une faute extra- contractuelle à l'égard du locataire si celui-ci peut prouver que l'agent a agi avec négligence à son égard. Mais encore faut-il que le locataire rapporte la preuve d'une faute caractérisée ou d'une négligence grave du mandataire à son égard. Autrement dit, la défaillance du propriétaire au titre de ses propres obligations ne pourra pas autoriser le locataire à engager ipso facto la responsabilité de l'agent immobilier.

C'est d'ailleurs ce principe que la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 23 juin 2009 aux termes duquel elle a cassé une décision qui avait mis à la charge de l'agent immobilier les frais de remise en état de l'appartement loué ainsi que le remboursement du dépôt de garantie après avoir relevé que les juges du fond n'avaient pas identifié une faute personnelle commise par l'agent à l'égard des locataires. Cet arrêt a le mérite de rappeler au juge du fond que les locataires doivent avant tout agir en responsabilité contractuelle contre leur bailleur et que la responsabilité du mandataire à leur égard ne peut reposer que sur un fondement quasi-délictuel qui impose de caractériser une faute spécifique. De plus, la Cour ébauche les contours et limites de la responsabilité quasi-délictuelle de l'agent immobilier à l'égard du locataire. Ainsi, si l'agent immobilier n'est pas automatiquement responsable du non remboursement du dépôt de garantie retenu par le propriétaire ou de la non exécution de travaux d'entretien ou de remise en état par le propriétaire, il peut voir sa responsabilité quasi-délictuelle engagée en cas de défaillance personnelle et grave, comme par exemple dans l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles le 17 mai 1996 où un agent immobilier avait été condamné à indemniser un locataire pour avoir reloué un logement en mauvais état alors que les propriétaires eux-mêmes, faisant preuve d'une extrême passivité, refusaient manifestement d'exécuter les travaux de remise en état.

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation a donné une illustration de la responsabilité de l'agent immobilier dans un arrêt rendu le 23 juin 2009. En l'espèce, un appartement avait été loué par le biais d'une agence immobilière, mandatée par le bailleur. Le juge de proximité, statuant en dernier ressort, avait été saisi par les locataires de cet appartement qui sollicitaient la condamnation de l'agence immobilière (le contrat de bail ayant été signé avec elle) à leur verser, d'une part, le montant du dépôt de garantie, et d'autre part, une somme correspondant aux travaux de remise aux normes de l'appartement. Après avoir condamné l'agence immobilière à restituer aux locataires le montant correspondant au dépôt de garantie, la juridiction de proximité l'a aussi condamnée à rembourser aux locataires la somme qu'ils avaient dépensée pour les travaux de remise en état dudit logement en considérant que l'agent n'avait « pas déployé l'énergie nécessaire pour donner satisfaction à des locataires ». L'agence immobilière, condamnée à un double titre, décidait de saisir la Cour de cassation qui a réformé dans sa totalité le jugement. Celle-ci a relevé pour les travaux de remise en état du logement que « sans caractériser une faute du mandataire du bailleur à l'égard des preneurs, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé » (article 1382 du Code civil). Concernant le dépôt de garantie, la Cour de cassation a retenu que l'exécution des obligations contractuelles nées des actes passés par un mandataire au nom et pour le compte de son mandant incombait à ce dernier seul. La Cour de cassation a donc non seulement rappelé le principe de la charge de la preuve d'une faute spécifique de l'agent dans le cadre d'une responsabilité quasi-délictuelle mais a aussi montré qu'elle pouvait rester insensible à une pratique pourtant répandue dans le secteur de la location immobilière où l'agent peut être amené à signer le bail au nom et pour le compte du bailleur et même souvent à se substituer formellement à ce dernier en ne mentionnant que le nom de l'agent immobilier sur le contrat de bail. Cette pratique, critiquable car le mandataire ne peut manifestement pas louer un bien qui ne lui appartient pas, crée certainement un doute, sinon une confusion, devant les juridictions de première instance qui peuvent être incitées à la sanctionner plus facilement en condamnant un agent qui au demeurant a le double « mérite » d'être professionnel et solvable.

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